Témoignages

De Tijikja à Chinguitti, la belle traversée du 20 au 30 octobre 2010

Randonnée cette année en Mauritanie


Le contraste entre le bonheur de mes amis guides : « Il a bien plu cette année, les pâturages sont bons, les nomades seront sur ce parcours, c'est vraiment le moment d'y aller ! » et les formelles mises en garde des autorités de mon pays : «Dernière minute : Les autorités françaises rappellent qu’elles déconseillent formellement tout déplacement dans les zones signalées en rouge... Le reste du pays ... est déconseillé sauf raison impérative... » est sans appel. Il faut trancher. J'ai tranché pour effectuer cette grande traversée de rêve entre deux des villes historiques de la Mauritanie. J'en reviens émerveillée, et souhaite aux amoureux des parcours en pleine nature de saisir de telles occasions.


Ironie du hasard, le parcours flirte gentiment avec la ligne « rouge ». Sur le terrain, nous avons rencontré partout la même paix, la même gentillesse, la même tolérance souriante.


Pour préciser mon sentiment une fois pour toutes : je ne dis pas qu'arpenter la Mauritanie met miraculeusement à l'abri des affres du monde. Le monde est à feu et à sang, aucun lieu n'est préservé d'en être éclaboussé. Mais la population mauritanienne n'y peut ni plus ni moins que la population française, et leur pays ne mérite pas plus d'être stigmatisé que ne le méritait le nôtre, par exemple, ce jour affreux où le RER a sauté à la station Port Royal à Paris.
Or donc, c'est le sourire des enfants de Tijikja, ravis de s'arrêter quelques minutes sur le chemin de l'école et de poser devant nos trois dromadaires, qui nous souhaite bon départ.


« Cette année, le désert est vert »


C'est en effet un désert bien vivant que la traversée dévoile. Le vert est partout, même s'il ne fait qu'accompagner le minéral : en réalité, le désert est noir et vert, brun et vert, or et vert....
Tout au long du trajet, nos dromadaires se nourriront en suffisance en pâturant lors des pauses et dans la nuit. Un grand sentiment d'harmonie se dégage d'un tel cheminement où les animaux sont accordés au terrain.

Très vite, le dromadaire que je monte m'apprendra les plantes les plus savoureuses, au sommet desquelles trônent les « telebouts » ( البوت ت), petites touffes émergeant du sable, et qui, a fermement expliqué ma monture, méritent un large coup de dents même lorsque l'on est en chemin...


Les troupeaux sont au rendez-vous, et c'est une joie, après une journée ou deux de marche solitaire, d'apercevoir installés au pâturage un groupe de dromadaires avec les chamelons blancs de l'année, un troupeau de mouton à proximité d'une kaaïma blanche, ou de croiser des nomades en déplacement avec leur troupeau de chèvres et de moutons.


Nous avons eu la chance de faire ainsi trajet commun pendant deux journées avec un père et son fils menant un troupeau vers Chinguetti, et de faire halte à plusieurs reprises à proximité d'une tente familiale.


Que ce soit pour une brève halte ou pour la nuit, échanges d'informations, offre de boissons (thé s'il y a le temps, zrig à la volée, incomparable lait juste trait pour nous), sourire et moments tranquilles partagés ont toujours été présents. Les savoirs-faire nomades et l'hospitalité des gens du désert sont bien vivants en Mauritanie, rien d'une légende ni d'une reconstitution pour touristes, la vie comme elle bat...


Un cheminement au sein d'une belle variété de paysages


Onze jours de cheminement essentiellement nord, au long d'une succession de paysages bien individualisés. Dénivelé modeste, pas de ruptures brutales, et pourtant le paysage pierreux où l'on était immergés semble-t-il pour des jours s'est ensablé, puis le lendemain la mer de dunes vous dépose sur un reg, qui se transformera insensiblement en pâturage...


Chaque type de paysage a son charme, ses difficultés, ses cadeaux. Les grandes bathas (Tijikja-Rachid-
Taoujet, Chig), larges fonds sableux des oueds lorsqu'ils ne coulent pas, forment des routes commodes, et nourrissent les indispensables puits.


Les plaines de pierres forment une partie sévère, comme le long Ewaïm Elberd ( os froid ) et la Tarfwatwat, mais autorise un cheminement sûr et de quoi pâturer. Les grandes mers de dunes sont un enchantement pour les yeux, propreté immaculée, formes superbes, mais demanderont efforts et attention aux dromadaires, et jusqu'aux regs grisâtres, sans charmes à première vue, qui ont le confort d'une piste d'athlétisme, et gardent les empreintes bien plus fidèlement que le sable.


S'il fallait ne garder qu'un moment, je privilégierais l'émotion des M'getta, les passages, qui mènent à travers dunes d'une zone à l'autre, et d'abord le grand M'getta qui trace la route entre l'oued Chig et les falaises d'Arouassat. Un lieu où se révèle tout le savoir faire du guide Nemoud, les dunes, objets mouvants, modifiant sans cesse le cheminement : la connaissance vivante du terrain, sa mise à jour par le contact permanent avec les nomades parcourant la région, ne sera jamais remplaçable par un point GPS.


Boire
La beauté des accumulations d'eau temporaires contraste avec l'extrême modestie des puits – mais c'est bien de ces derniers dont dépend la sûreté du cheminement. Eux aussi évoluent au gré de leur utilisation ou abandon par les nomades. Nous emportions 2 bidons de 20 litres et un de 10, notre réserve, plus un bidon de 10 litres qui contenait l'eau filtrée et traitée que je consommais.


Nous pouvions ainsi tenir trois jours entre deux puits, et n'avons été justes qu'en un seul point du parcours - la rencontre fortuite de deux nomades surveillant leur troupeau de dromadaires nous a évité l'étape de nuit envisagée, grâce à une flaque résiduelle, modeste et quelque peu malmenée par le troupeau, mais suffisante pour nous donner la marge de sécurité souhaitée.


Les dromadaires se seraient accommodés d'une offre bien plus rare, même si après une longue étape de
dunes ils apprécient ici manifestement le rafraîchissement offert par le puits de l'oasis ElGuella.


En ce qui me concerne, avec cette précaution de filtrage et traitement, je n'ai eu aucun souci. La seule restriction à laquelle le guide Nemoud m'a impitoyablement soumise a concerné le zrig, boisson à base de lait battu et d'eau, délicieuse offrande que nous ont proposée les tentes nomades rencontrées. En un rituel immuable, et quelle que soit mon envie, Nemoud goutait lentement, soigneusement, et rendait son verdict : tu peux - ou tu ne peux pas – boire. Je n'ai jamais eu à le regretter.

A même la terre : avancer léger

Pour le reste, diète de base stricte, galette cuite sous le sable et riz parfumé de quelques oignons et de haricots; quelques conserves. Mais largement égayée dès que possible par les ressources locales, petites pastèques jaunes, lait, et un mémorable méchoui auprès du village d'Ain Sabra.


Le bois mort récolté en chemin pour obtenir les braises sur lesquelles on posera la petite théière et sous lesquelles cuira la galette. Pas de tente, la belle étoile n'ayant jamais mieux mérité son nom. Ici il est vraiment possible de vivre à même le sol. Ainsi nous allons « léger », même si l'équipement des trois dromadaires est l'objet d'un soin très attentif aux départs du matin (bien avant le lever du soleil) et de l'étape du soir (quand la chaleur commence à tomber).


La connaissance intime du terrain remplace la logistique lourde.


A tous ceux que les grandes traversées font rêver, venez arpenter la Mauritanie, à pied et à dromadaire (plus facile pour les cavaliers mais possible pour tous...). Pour votre bonheur, et pour ces hommes et ces femmes admirables qui gardent le désert vivant !


Avec mes plus vifs remerciements à Sidi Mohamed, adorable chamelier, et Mohamed Mahmoud Bewba Nemoud, grand guide !

Sarah, 6/11/2010

sarah.claude50@gmail.com

 

 

Philippe de Cyclafrica a écrit cet article sur son parcours de Nouadhibou à Atar

Bonjour à tous.

Je suis actuellement à Atar. Après avoir traversé le Sahara Occidental jusqu'à Nouadhibou, j'ai pris le train jusqu'à Choum. Expérience unique ... et gratuite si vous voyagez dans une benne à minerai, ce que j'ai fait. Inconfort garanti. J'ai cependant installé mon hamac ce qui m'a permis d'amortir les chocs violents qui vous accompagnent tout au long du trajet. Beaucoup de poussière (cheich obligatoire). Plus de 12 heures de voyage. Arrivée à 2h30, en pleine nuit, mais attention, les horaires sont ... aléatoires.
Là, vous avez le choix. Des taxis collectifs style pickup vous proposent de vous amener à Atar. Je ne connais pas le prix.
Personnellement j'ai été accueilli par la gendarmerie qui avait été avertie de mon passage. J'ai fini la nuit dans leurs locaux et j'ai pris la piste pour rejoindre Atar. A vélo, je précise. J'ai mis 2 jours pour couvrir les 120 km. La première partie est pénible. Beaucoup de sable meuble et on s'enfonce. J'ai poussé le vélo sur peut-être 20 bornes. Tant et si bien que je n'ai pu effectuer que 45 km et j'ai planté la tente à l'abri des regards avant la nuit. Au grand dam de la gendarmerie qui s'attendait à me voir passer, au PK65. Ils ont été soulagés lorsque je suis arrivé le lendemain, en fin de matinée. Entre temps, ils avaient passé le message aux rares véhicules de leur signaler la présence d'un cycliste. Ils m'ont invité à déjeuner avec eux, m'ont donné de l'eau et j'ai pu reprendre la piste beaucoup plus roulante que la veille. Souvent de la tôle ondulée.
Plus loin, une passe avec une côte de 2 ou 3 km. État de la piste pas terrible. J'ai parfois poussé le vélo par manque d'adhérence. Possibilité de contourner cet obstacle par une autre piste plus courte qui part à droite mais il semblerait qu'il y a des passages sablonneux là aussi. A confirmer.
Après la passe, que du bonheur et on finit avec une route goudronnée d'une vingtaine de km.
Pour ceux qui voudraient aller sur Chinguetti depuis Atar à vélo, c'est possible. 85 km. Quasiment que de la piste assez roulante, bien que beaucoup de tôle ondulée. Une passe avec une côte sévère mais goudronnée. Paysage magnifique. Poste de gendarmerie au sommet. J'ai eu un vent réel latéral, donc apparent de face à l'aller et au retour. Pénible. Manifestez-vous auprès de la gendarmerie de Chinguetti dès votre arrivée.
A ce sujet, il n'est pas question de minimiser les problèmes d'insécurité. Cependant, il faut relativiser. La Mauritanie n'est pas en guerre. Elle est elle-même victime d'intrusions sur son territoire de malfrats étrangers qui se revendiquent de quelques organisations terroristes à la mode. Les forces de l'ordre (armée, gendarmerie, police) sont toutes sur le qui-vive et le moindre de nos déplacements est suivi à la trace. C'est pour notre sécurité. Jusqu'à présent, la gendarmerie a chaque fois été informée de mon passage et chaque fois dans la détente et la bonne humeur. Y compris Chinguetti pourtant située en "zone rouge". Petite anecdote : 2 semaines avant mon passage, un festival des villes anciennes y a eu lieu, avec la présence du Président mauritanien. Bonjour la zone rouge.
Je rebondis sur une petite phrase de Papy concernant les camions en Mauritanie. D'une manière générale il faut être prudent sur la route, c'est du bon sens, mais je n'ai jamais été plus en danger qu'au Portugal et en Espagne. Les camions préféreront vous écraser plutôt que perdre de précieuses secondes. Ce ne fut pas le cas au Maroc et pas encore en Mauritanie.
J'espère avoir été complet dans mes explications.
J'ajouterai que la gentillesse et l'accueil des Mauritaniens n'est pas une légende. Ça fait d'autant plus mal au cœur de voir le monde politique s'acharner sur ce pays avec des discours alarmistes que je juge personnellement exagérés et injustes. Mais Dieu est grand me disent-ils. Rien ne semble ébranler leur foi et c'est bien ce qui les fait tenir le coup.
Bon voyage à ceux qui tenteront l'aventure malgré tout.

PS : un petit coucou à Claire et Jérémie qui roulent décidément trop vite pour moi ;-)

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et sur Facebook : Philippe de Cyclafrica

 L'ANGS remercie Philippe pour son témoignage.